La Direction des enquêtes et du contentieux intervient quotidiennement afin de rappeler aux notaires certaines de leurs obligations déontologiques. Parmi ces obligations il y a celles traitant du formalisme de l’acte notarié. À l’aide de quelques cas vécus récemment, nous souhaitons vous sensibiliser à l’importance d’être en tout temps vigilant et de respecter ces règles de formalisme.
À la suite de la lecture au testateur, vous demandez à votre collègue notaire d’agir comme témoin au testament. Malheureusement, ce dernier, étant retenu par une transaction immobilière d’envergure, vous suggère de procéder à la signature du testament sans sa présence puisqu’il a lui-même accueilli le client et sa fille lors de leur arrivée à votre étude. Vous expliquez alors à votre client que votre confrère signera à titre de témoin dès qu’il aura terminé sa rencontre. Votre client ne voyant pas d’inconvénient, signe l’acte et sort de votre bureau en racontant à sa fille comment s’est déroulée la rencontre. Cette dernière est perplexe. Craignant que le testament de son père soit invalide, elle décide de procéder à certaines vérifications auprès de ses proches qui lui suggèrent de s’adresser à la Chambre des notaires du Québec.
SAVIEZ-VOUS QU’EN plus d’entacher le caractère authentique du testament en vertu de l’article 713 du Code civil du Québec, votre conduite ainsi que celle de votre collègue pourraient donner lieu à une enquête qui pourrait éventuellement mener à une plainte disciplinaire? En effet, en vertu de l’article 717 du Code civil du Québec, le testament doit être signé par le testateur, le témoin et le notaire, en présence les uns des autres. De plus, le testateur doit déclarer en présence du témoin que l’acte lu contient l’expression de ses dernières volontés.
Qu’en est-il du notaire ayant agi comme témoin? Dans une récente décision, le Conseil de discipline a imposé au notaire témoin une période de radiation de trois (3) mois et dans une autre, une amende de 10 000 $. Trop cher payé pour rendre service à un confrère!
On vous mandate pour une transaction immobilière. Lors du rendez-vous pour la signature de l’hypothèque, vous procédez à la lecture de l’acte et réalisez que le montant de l’hypothèque est erroné. Vous faites la modification en prenant soin de demander aux parties d’inscrire leurs paraphes. Vient ensuite le temps de procéder à la publication de l’acte au Registre foncier du Québec, mais voilà que vous transmettez, bien involontairement, un fichier dans lequel la modification n’apparaît pas. Ce n’est que lorsque vous recevez un appel du créancier quelques semaines plus tard vous avisant du montant erroné à l’acte publié au Registre foncier du Québec, que vous réalisez que vous avez transmis la mauvaise version du document.
SAVIEZ-VOUS QUE vous avez contrevenu à l’article 53 de la Loi sur le notariat1 en émettant une copie non conforme de l’acte? Bien qu’il s’agisse probablement d’une erreur de bonne foi, soyez vigilant afin d’éviter certaines conséquences qui pourraient en découler.
1 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-2
Vous avez reçu le mandat d’un contracteur afin d’instrumenter des actes de vente pour un nouveau projet immobilier. Le contracteur se présente la veille d’un rendez-vous alors que vous êtes absent. Il mentionne à votre collaboratrice qu’il ne pourra pas se présenter le lendemain puisqu’il sera à l’étranger pour une semaine. Comme il se montre très insistant et que c’est un client important de votre étude, votre collaboratrice décide alors de lui faire signer l’acte de vente. À votre retour, vous apprenez que le vendeur a déjà signé l’acte. Pour ne pas causer de problème, vous décidez de faire fi du fait que le vendeur n’a pas signé en votre présence. Après tout, qui s’en plaindra? Le lendemain, lors du rendez-vous avec les acheteurs, ceux-ci s’inquiètent de l’absence du vendeur. Vous leur mentionnez que le vendeur est venu signer l’acte plus tôt dans la journée. Une fois l’acte clos, les acheteurs quittent votre bureau pour se rendre à leur nouvelle demeure. Malheureusement, ils réalisent qu’il y a certains travaux de finition qui n’ont pas été complétés, tel qu’il avait été convenu avec le contracteur. Mécontents, ils tentent de le contacter, mais sont alors informés que ce dernier est à l’étranger depuis hier. Considérant que vous leur avez menti, ils décident de porter plainte.
SAVIEZ-VOUS QU’EN agissant ainsi, vous contrevenez non seulement à l’article 50 de la Loi sur le notariat1, mais vous faites également défaut d’agir en tant que conseiller franc et honnête en plus de nuire à la bonne réputation de la profession? Bien que l’acte pourrait être considéré valide comme acte sous seing privé, il n’en demeure pas moins que plusieurs options auraient été possibles telles que le report de la transaction à une date ultérieure, la signature du vendeur devant un notaire délégué ou même encore l’obtention d’une procuration.
D’autre part, la réception de la signature de votre client par votre secrétaire pourrait mener à l’ouverture d’une enquête pour exercice illégal de la profession de notaire en vertu de la Loi sur le notariat2 et du Code des professions.
1 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-3
2 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-3
Vous rencontrez un client qui vous confie le mandat de préparer son testament. Vous préparez un projet de testament puis, afin de finaliser le tout, vous le rencontrez pour lui en faire la lecture et recevoir sa signature. Une fois le testament signé, votre client vous demande de lui faire parvenir deux copies de son testament. Sans délai vous faites le nécessaire.
Quelques semaines plus tard, votre client révise les copies de son testament. Il constate une erreur cléricale dans la rédaction d’un legs particulier. Il vous en informe immédiatement. Vous demandez donc à votre client de vous apporter les deux copies conformes que vous lui avez émises. Une fois en possession des copies conformes, considérant qu’il s’agit d’une simple erreur cléricale, vous remplacez la page de votre original par une nouvelle page réimprimée corrigée. Vous remplacez ensuite la page concernée dans chacune des copies conformes afin que l’erreur n’y apparaisse plus. Finalement, vous remettez à votre client ses copies conformes.
Se questionnant sur le fait que vous ne lui ayez pas fait signer un codicille ou un nouveau testament, votre client s’informe auprès de la Chambre des notaires ce qui donne lieu à une enquête.
SAVIEZ-VOUS QU’EN agissant ainsi, vous contrevenez à l’article 58 de la Loi sur le notariat1? Cet article prévoit que s’il est nécessaire de faire des changements à un acte notarié après sa clôture, les parties ne peuvent les faire que par un autre acte. Un acte authentique ne peut être modifié par une simple correction de texte et une substitution de page. Une fois signé, l’acte authentique est immuable.
1 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-3
On vous confie le mandat afin d’agir dans le cadre d’une transaction immobilière. Avant de recevoir vos clients pour la signature de l’acte de vente, vous vous assurez que le déboursé de l’institution financière a bel et bien été déposé dans votre compte en fidéicommis. C’est alors que vous constatez que le déboursé hypothécaire n’a pas encore été effectué. Vous vous empressez d’appeler à l’institution financière et un responsable vous confirme que les sommes seront déposées dans votre compte en fidéicommis d’ici 16 h. Ne souhaitant pas retarder la transaction, vous choisissez tout de même de recevoir la signature des parties en les rassurant et en leur expliquant que vous apposerez votre signature à l’acte lorsque vous aurez reçu le déboursé hypothécaire. Comme les sommes ne seront déposées dans votre compte en fidéicommis que le lendemain, vous apposez votre signature à ce moment.
SAVIEZ-VOUS QU’EN agissant ainsi, vous contrevenez à l’article 50 de la Loi sur le notariat1? En effet, sous réserve des dispositions applicables en matière testamentaire, votre signature doit avoir lieu le même jour et au même lieu où la dernière partie a signé l’acte. Ainsi, l’acte de vente signé à Montréal le 23 mars à 15 h par les parties doit être signé par le notaire à Montréal, le 23 mars avant minuit.
Aussi, en vertu de l’article 27 (1) du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires, vous aviez l’obligation de vous assurer de la suffisance des fonds avant la clôture de l’acte2, soit avant la signature des parties.
1 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-3
2 Article 50 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-3
Un de vos clients qui doit signer un acte de prêt et hypothèque immobilière, se présente à son rendez-vous et vous informe qu’il est très pressé. Il désire apposer sa signature à l’acte sans que vous lui en fassiez la lecture. N’ayant pas de temps à perdre, il vous informe qu’il ne souhaite pas prendre connaissance de l’acte avant de signer. Vous lui indiquez donc où signer.
SAVIEZ-VOUS QU’EN agissant ainsi, vous contrevenez à l’article 51 de la Loi sur le notariat1? Bien que cet article prévoie que la lecture de l’acte notarié n’est pas requise à l’égard des parties qui ont elles-mêmes lu l’acte ou lorsqu’elles vous ont déclaré en avoir pris connaissance et vous en ont exempté, il est nécessaire qu’une mention de cette déclaration et de cette exemption apparaisse à l’acte, avant les signatures. Il est important de noter que cette exemption de lecture ne vous dispense pas de votre devoir de conseil. Vous devez toujours vous assurer de la pleine compréhension des parties avant qu’elles apposent leur signature à un acte que vous instrumentez.
Dans le cas d’un testament, l’article 717 du Code civil du Québec mentionne que le testament doit être lu par le notaire au testateur, seul ou, au choix du testateur, en présence du témoin. En aucun cas, la lecture du testament par le testateur ne vous dispensera de votre obligation de lecture.
1 Loi sur le Notariat, RLRQ c. N-3